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lundi 6 janvier 2020

Entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d'euros de déficit à l'horizon 2025, pourquoi ?



Premier constat : en 2025, le système de retraite afficherait un déficit compris entre 7,9 et 17,2 milliards d'euros selon les hypothèses et conventions retenues

Le solde du système de retraite est la différence entre les ressources et les dépenses agrégées de l'ensemble des régimes de retraite. Dans le tableau ci-dessous, on relève que ce solde est négatif sur l'horizon de projection, quelles que soient les hypothèses (de croissance de la productivité du travail) et les conventions (de mesure de l'effort contributif de l'État) retenues.

Source : COR.

Deuxième constat : la manière dont le COR projette les ressources futures du système de retraite s'appuie sur des conventions comptables

Les projections du COR se font à législation constante : concrètement, cela signifie que toutes les modifications législatives, réglementaires ou conventionnelles déjà adoptées au moment où sont réalisées les projections, sont incorporées dans les hypothèses.

Pour projeter l'évolution des ressources des régimes du secteur privé, l'exercice est assez simple : il faut projeter l'évolution de la population active occupée et l'évolution du salaire moyen, ce qui permet d'avoir une projection de la masse des rémunérations. Ensuite, on applique les taux de cotisation (sous plafonds et au-delà des plafonds), on a une série des cotisations futures des régimes du secteur privé.

Pour les régimes de fonctionnaires et les autres régimes spéciaux, l'exercice est plus compliqué. En effet, l’équilibre financier du régime de retraite des fonctionnaires est assuré en dernier ressort par une contribution de l’État en tant qu’employeur. Pour les autres régimes spéciaux (SNCF, RATP, régime des mines, régime des marins...), l'État verse une subvention d'équilibre. Supposer la reconduction indéfinie de ces contributions et subventions d’équilibre en projection ferait perdre à l’indicateur de solde, au moins de manière partielle, son rôle de lanceur d’alerte. Il ne pourrait en effet jamais y avoir de déséquilibre sur une fraction importante du système de retraite (les régimes équilibrés par l'État représentant 27% des dépenses totales du système).

Pour rendre comparable les projections des régimes des secteurs privé et public, le COR propose trois conventions comptables pour projeter les ressources et le solde des régimes de la fonction publique de l’État et les autres régimes spéciaux : la convention TCC (taux de cotisation constant) où les taux de cotisation implicites de l’État en tant qu’employeur et les taux de subvention des régimes spéciaux sont figés à leur dernier niveau constaté (ici 2018) ; la convention EPR (équilibre permanent des régimes) consistant à déterminer les ressources nécessaires pour équilibrer les régimes chaque année ; et la convention EEC (effort de l’État constant) consistant à stabiliser la part des ressources affectées à ces régimes dans le PIB, au niveau observé en 2018.

Il n'y a pas une "meilleure" convention qu'une autre. Chacune apporte un éclairage particulier sur la manière dont l'État peut faire évoluer les ressources nécessaires à l'équilibrage des régimes dont il assure la solvabilité en dernier ressort. Tout au plus peut-on relever que la convention TCC conduit à majorer l'évaluation des déficits, la convention EEC à la minorer, alors que la convention EPR est entre les deux à l'horizon 2030.

Troisième constat : le creusement projeté du déficit du système de retraite dépendrait d'une faible croissance des ressources, alors que les dépenses resteraient globalement stables

Les projections du COR montrent qu'à l'horizon 2030, il n'y aurait pas de dérive des dépenses du système de retraite en proportion du PIB, qui restent quasi-stables autour de 13,8%. C'est donc du côté des ressources qu'il convient de rechercher l'explication du creusement des déficits.

Source : COR

Quatrième constat : pour l'essentiel, la faible croissance des ressources résulte d'un effet de structure: la part des rémunérations des salariés du secteur public se réduit dans la masse totale des rémunérations

Si on suppose que la réglementation ne change pas et que les salaires représentent une part constante de la valeur ajoutée dans le futur (autrement dit, le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits reste identique) les ressources du système de retraite devraient évoluer comme le PIB : la part des ressources du système de retraite dans le PIB devrait être stable à l’horizon 2030. Plusieurs raisons expliquent que cela ne serait pas le cas.

Premièrement, l'Unedic et la Caisse nationale des allocations familiales versent au système de retraite des transferts au titre de la prise en charge des périodes de chômage (Unedic) et de l'Allocation Vieillesse des Parents au Foyer. Comme le COR projette une réduction tendancielle du taux de chômage, ainsi qu'un moindre recours à l'AVPF, ces transferts se réduiraient (de l'ordre de 0,2 point de PIB).

Deuxièmement, l'État n'a pas entièrement compensé l'exonération ou l'allégement d'un certain nombre de cotisations sociales (forfait social pour certaines entreprises votées dans le cadre de la loi PACTE et cotisations sur les heures supplémentaires). Ces pertes de recettes pour le système de retraite resteraient toutefois marginales à l'horizon 2030.

Troisièmement, et c'est l'effet le plus important, les ressources des régimes de fonctionnaires et et des régimes spéciaux progresseraient moins rapidement que les ressources des autres régimes. Plusieurs causes expliquent cela. Tout d'abord, les effectifs d'agents publics sont supposés diminuer et la rémunération des fonctionnaires être gelée jusqu'en 2023. Comme les taux de cotisation dans la fonction publique et dans les régimes spéciaux sont très supérieurs à ceux du secteur privé, une contraction de la masse salariale publique se traduit une baisse importante des cotisations perçues par les régimes du secteur public. Cet effet est plus important lorsqu'on retient la convention comptable TCC plutôt que les autres conventions, puisqu'on considère que le taux de cotisation est constant et qu'on l'applique à une masse salariale en contraction. D'une certaine manière, les économies faites sur le budget de l'Etat (réduction du nombre de fonctionnaires et gel du point d'indice de la fonction publique) se traduisent par une dégradation du solde du système de retraite.

Cinquième constat : le système de retraite a accumulé des réserves

Le solde du système de retraite mesure la différence entre des ressources et des dépenses, chaque année. Il ne prend pas en compte la dette déjà accumulée par certains régimes, ou transférée à la Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale (CADES) par le passé. À l’inverse, il ne prend pas non plus en compte les réserves détenues par d’autres régimes ou par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR). La situation patrimoniale nette du système de retraite français (c'est-à-dire la différence entre les avoirs et les dettes) était ainsi évaluée à 127 milliards d’euros fin 2017, soit 5,6 %du PIB.

d_phi retraites #7

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